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Palestiniens, victimes expiatoires du péché européen envers le peuple juif ? [Youssouf Sylla]

27 décembre 2023

La diaspora juive, tout au long de son exil en Europe, fut confrontée à un insoluble dilemme en Europe : s’émanciper au prix de son assimilation dans son pays d’accueil en renonçant notamment à sa tradition religieuse, le judaïsme traditionnel, ou alors, vivre isolée dans le ghetto. L’assimilation a été tentée, surtout par les juifs d’Europe de l’Ouest, avec des résultats plus ou moins décevants. À chaque fois, l’origine des juifs assimilés leur a été rappelée. Le point d’orgue de l’échec de cette politique d’assimilation a été par exemple atteint en France par la condamnation en 1894 à perpétuité par la justice, d’un officier français d’origine juive pour espionnage au profit de l’Allemagne. Il s’agissait du capitaine Alfred Dreyfus. Les échos de cette affaire résonnent encore aujourd’hui dans les oreilles comme une scandaleuse erreur judiciaire sur fond d’antisémitisme. D’autres juifs, surtout ceux d’Europe orientale avaient plutôt préféré la fidélité à leur tradition, malgré l’antisémitisme dont ils faisaient l’objet dans leur pays d’accueil. C’est parmi eux qu’on comptera le plus grand nombre d’immigrés juifs en Palestine et même aux États-Unis d’Amérique.

Le Sionisme comme réponse à l’antisémitisme

La solution imaginée par les élites juives, mêmes les plus émancipées de l’époque, a été le retour de la diaspora juive sur la terre de leurs ancêtres, la terre promise selon eux : Eretz Israël, qui correspond à la Palestine pour les arabes. L’alternative de l’Ouganda en Afrique, et de l’Argentine en Amérique latine, mise aussi sur la table, en attendant une solution durable à la constitution d’un foyer national juif en Palestine fut rapidement évacuée face à l’attraction de la Palestine, terre où se trouvent les traces de l’histoire du peuple juif.

C’est bien dans l’objectif de créer un jour pour la diaspora juive un foyer national en terre de Palestine, que le concept de Sionisme (en référence au mont Sion qui surplombe Jérusalem) fut lancé pour la première fois par Nathan Birnbaum en 1890 dans son journal consacré à la défense de la cause juive. À travers le premier Congrès de Bâle (Suisse), tenu en 1897, l’autrichien d’origine juive, Théodor Herzl, fera du Sionisme une idéologie politique structurée et axée sur la création d’un Etat Juif en Palestine.

Question des arabes de Palestine

Problème: la terre de Palestine visée par le Sionisme est aussi historiquement habitée par les arabes palestiniens, qui y ont tout ce qu’un peuple a de plus précieux : son histoire, sa culture et ses lieux de culte. Que faire alors de ces arabes, considérés par les juifs comme des occupants illégaux de leurs terres ancestrales ? La stratégie développée par le Sionisme était d’abord l’achat des terres aux arabes, ensuite, l’obtention auprès de l’empire Ottoman, puissance occupante à l’époque, d’une Charte garantissant le droit d’établissement des juifs en Palestine. Si l’achat des terres fut une bonne affaire pour les juifs, jamais ils n’eurent des turcs, la Charte sollicitée.

C’est à partir des années 1920 lorsque les Anglais obtinrent de la Société des Nations, devancière de l’organisation des Nations Unies, en lieu et place de la Turquie, le mandat d’administrer la Palestine, que la donne changea radicalement aux dépens des Palestiniens et au profit des Juifs.

Rôle de l’Angleterre dans la création du foyer national juif en Palestine

Le soutien Anglais au grand projet Sioniste faisait suite à la conjonction de trois principaux facteurs, favorables à la création d’un foyer national juif en Palestine.

Le premier est la forte mobilisation de la diaspora juive autour des idéaux de Thedor Hezl au sein de la puissante Organisation Sioniste Mondiale. Cette organisation, à travers ses leviers économiques, politiques et diplomatiques a mené des actions décisives pour, entre autres, fédérer les juifs du monde entier, lever des fonds pour financer le retour de ceux qui le désirent en terre de Palestine, mais aussi pour financer leur business, et pour faire adhérer le monde occidental au grand projet du Sionisme, à savoir la fondation d’un Etat juif en Palestine. En effet, la création d’un Etat juif présupposait comme l’a écrit Alain Boyer dans son livre « Origines du Sionisme » (éd. PUF, mars 1988, p. 39), « une émigration en masse et la colonisation d’un territoire non européen, habité majoritairement par les populations arabes et administré par la Turquie ».

Le deuxième facteur est l’extermination d’environ six millions de juifs (la Shoah) par les Nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Ces crimes ont finalement contribué à l’ancrage, chez les juifs, du sentiment selon lequel, il leur faut, pour leur salut, une terre où ils ne seront plus considérés comme des étrangers.

Le troisième facteur favorable à la création d’un foyer national en Palestine, est l’appui européen au projet Sioniste. Ce soutien venait soulager un lourd fardeau que l’Europe portait sur sa conscience dans le cadre de ses rapports scabreux avec les juifs. Historiquement empreints d’antisémitisme malgré la mise en place des politiques d’assimilation des juifs, ces rapports avaient atteint un niveau catastrophique avec les crimes Nazis. Si cet appui était pour l’Europe, l’Angleterre en tête (Lord Arthur James Balfour, ministre Britannique des affaires étrangères avait en novembre 1917 déclaré que son gouvernement est en faveur de la constitution d’un foyer national juif en Palestine), une manière de régler la question juive, surtout après la Shoah, il importe toutefois de relever que cet appui n’a pas mesuré, ou voulu mesurer à sa juste valeur, les conséquences du projet Sioniste sur les palestiniens établis depuis des lustres sur la terre de Palestine, convoitée par les juifs.

Les faits démontrent en effet que les Anglais dans l’exercice de leur mandat sur la Palestine ont réglé la question de l’aliénation du peuple juif en posant les germes de l’aliénation du peuple palestinien, qui n’était pourtant ni responsable de l’exode des juifs dans le passé, ni responsable de la Shoah qui s’est abattue sur eux en plein cœur de l’Europe pendant la seconde guerre mondiale. Pour le journaliste anglais, Peter Kosminsky, réalisateur d’une fiction télévisée « The promise » sur le conflit israélo-palestinien, « la Grande-Bretagne a une responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui » en Palestine. Car estime-t-il, « le passé a des conséquences sur le présent ».

Minces perspectives de paix entre arabes et juifs après la création de l’Etat d’Israël

En effet, dès après la proclamation officielle de l’Etat d’Israël, le 14 mai 1948, par David Ben Gourion, sous le portrait de Theodor Herzl, auteur du manifeste promontoire « l’Etat des juifs », paru en 1896, les heurts éclatèrent entre les arabes et les juifs. Les horribles attentats commis par le bras armé du « Hamas » contre les civils israéliens le 7 octobre 2023, et la méga réaction (en cours) des forces armées israéliennes dans l’enclave palestinienne de Gaza où aucun civil n’est épargné, ne sont qu’un épisode dramatique d’une longue série de guerre meurtrière entre deux peuples qui se rejettent mutuellement. La pression militaire d’Israël sur Gaza est aujourd’hui à un point tel que de nombreux observateurs craignent, non sans raison, un nouvel exode massif (« Nakba » en arabe) du peuple palestinien vers d’autres pays arabes, l’Egypte en particulier. Face à cette impasse, le seul moyen qui reste pour mettre fin à cette série « noire » est le recours au règlement politique. Expérimenté par les Accords d’Oslo de 1993, ce moyen fut rapidement torpillé par les extrémistes des deux bords. Il va falloir que les parties en conflit, avec l’aide des puissances mondiales, reviennent à l’esprit de ces accords fondés sur les résolutions de l’Organisation des Nations Unies qui consacrent l’existence de deux États séparés (l’un arabe et l’autre juif, Jérusalem étant placé sous un contrôle international) pour que l’espoir d’une paix durable émerge entre israéliens et palestiniens.
Youssouf Sylla, analyste

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Last modified: 27 décembre 2023

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