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Interview- Lamine Kourouma, expert en Énergie : “les barrages Souapiti-Kaléta se portent très bien. Le problème principal est au niveau…”

22 mars 2024

La rareté du courant électrique à Conakry et environs est devenue inquiétante, provoquant ainsi des manifestations violentes par endroits dans le pays. Dans cet entretien qu’il a bien voulu accorder à MediaGuinee, le Doctorant Kourouma Mohamed Lamine, consultant dans le domaine énergétique et enseignant chercheur à l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, département Génie-électrique, donne des explications techniques liées aux coupures intempestives du courant. Lisez !

« Aujourd’hui, les turbines de Souapiti-Kaléta continuent à turbiner l’eau sans arrêt. Le problème principal est au niveau du transport et de la distribution »

Mediaguinee : Peut-on avoir des explications techniques liées aux coupures intempestives du courant à Conakry et villes environnantes ?

Mohamed Lamine Kourouma : Pour rappel, nous avons 1350MW installés pour une demande à la pointe d’environ sur le réseau interconnecté de 700MW. Pour alimenter une ville en énergie électrique, il y a trois segments qu’il faut respecter à savoir : La production; le transport; la distribution. Tous ces trois segments doivent partir ensemble pour avoir une qualité de production de l’énergie électrique. La cause principale est la surcharge des postes sources due à l’augmentation exponentielle de la demande qui est passée de près de 1700GWh en 2017 à près de 3700GWh en 2023 (96.20% d’augmentation en 6 ans) sur le réseau interconnecté (RIC) ainsi que la précarité du réseau (RIC) dont la ligne de transport 225KV est aussi limitée à 315MW. Alors que la demande à la pointe est d’environ de 700MW. Ce qui contraint la compagnie EDG (Électricité de Guinée) à procéder à des délestages pour le Grand Conakry .

Les responsables d’EDG parlent d’étiage pour justifier la rareté du courant. Qu’en dites-vous ?

Pour moi, ils ne parlent pas de la raison principale pour pouvoir cacher leur mauvaise gestion des projets liés aux transports et la distribution de l’énergie électrique qui était un des axes prioritaires du plan stratégique qui devrait être réalisé en 2022.

Le pays dispose pourtant de grands barrages hydroélectriques dont Kaléta et Souapiti qui étaient censés résoudre l’insuffisance du courant. Avez-vous une explication à ce niveau ?

Parlant de nos barrages, Souapiti-Kaléta se portent très bien, ils donnent 80% de la production sur le réseau interconnecté (RIC). Toutes les infrastructures hydroélectriques ont des périodes critiques (d’étiage) qui sont prises compte depuis les études de faisabilité. Mais aujourd’hui, les turbines de Souapiti-Kaléta continuent à turbiner l’eau sans arrêt. Le problème principal est au niveau du transport et de la distribution.

En tant qu’expert du domaine, quelles solutions préconisez-vous pour que le pays soit doté en courant de manière continuelle ?

Pour avoir la stabilité dans la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique en Guinée il faut : La diversification des sources énergies; le développement des centrales photovoltaïque dont le potentiel est estimé à 4,8kwh/m2/jour, en Haute Guinée et une partie du Fouta Djallon (inexploité); le développement d’un gisement éolien dont la moyenne annuelle de la vitesse moyenne du vent varie entre 2 et 4m/s, (inexploité); la réalisation des centrales à gaz et biomasse; le développement du potentiel hydroélectrique estimé à plus de 6000 MW (exploité à 17 %). Avec cette diversification des sources, il y aura obligatoirement la stabilité dans la production de l’énergie. La construction de postes sources et la réhabilitation des réseaux de distribution permettront le transport et la distribution facile de l’énergie produite ; le renforcement de l’interconnexion et entre les sources d’énergies nationale d’une part et sous régionale d’autres parts. La sécurisation des recettes en posant des compteurs pour chaque client; casser le monopole dans la commercialisation de l’énergie comme la production; Faire un audit indépendant sur la gestion économique, financière technique et humaine de la société d’électricité de Guinée qui est gangrenée par la corruption et le népotisme. Ces differents points apporteront des solutions concrètes dans la production, le transport et la distribution correcte et continue de l’énergie en Guinée.

On annonce l’arrivée d’un bateau turc pour fournir du courant. Etes-vous partant pour une telle solution ?

Je suis l’un des rares experts qui était contre le départ de ce bateau vu le rôle primordial qu’il jouait dans le système électroéneegétique guinéen avec la ligne 60 KV de Matoto-libraport qui est utilisée comme le retour du courant est aujourd’hui très limitée, l’absence des postes sources à Matam, Dixinn et l’alimentation en carburant des centrales thermiques contraint l’EDG à faire le délestage. L’arrivée de ce bateau, c’est de rapprocher les consommateurs de leurs sources de production et c’est l’une des meilleures options expérimentées dans la sous-région ouest-africaine par le leader, la Côte d’Ivoire.

Certains quartiers de Conakry étaient récemment en ébullition pour dénoncer le manque de courant. Quel est le message particulier que vous pouvez leur adresser ?

Ce que je peux donner comme conseil à la jeunesse, c’est bien s’abstenir à des manifestations sauvages pour éviter que le pays bascule dans l’insécurité. Les autorités à tous les niveaux sont conscientes de la situation actuelle. Aux responsables de la société d’Electricité de Guinée, c’est de prendre leur responsabilité de faire un planning de la maintenance préventive de tous les équipements.

Propos recueillis par Youssouf Keita 

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Last modified: 22 mars 2024

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