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Traditions et mythologie guinéennes. A la découverte de : SOGORÉ (1) ou ´SORÔ’ (2)

1 janvier 2022

Le ‘Sogoré’ est un génie mythologique des légendes de Guinée. Il est réputé maléfique et dangereux. Il ne sort que la nuit, jamais le jour, ne se déplace que dans les airs et non au sol. C’est habituellement les vieux ‘Donzô’ (3) initiés et expérimentés qui savent où le trouver, et comment faire appel au ‘Sogoré’ ou ´Sorô’ . Seuls ces ‘Donzô’ et les personnes qui ont scellé un pacte avec lui connaissent la forme de ce génie. Il aurait une longue queue, disent les croyances populaires.

Pour faire appel au ‘Sogoré’, les ‘Donzô’ utilisent une plante qui pousse en pleine forêt. Celle-ci comporte une seule tige et ne possède qu’une feuille. Cette plante meurt en saison des pluies et ne repousse qu’à la fin de cette période, en saison sèche. La feuille est pétrie pour en extraire le jus et mélangé à la patte gauche d’un animal nommé ‘Timba’ (4) ou ´Kinfè ´ (5) (´Taupe ´ mythologique) avant d’être cuite, pour en faire une huile essentielle. Elle servira de mixture qui sera utilisée pour faire appel et attirer le génie. À cette huile, le ‘Donzô’ psalmodiera des paroles sacrées afin d’attirer le génie. Il fera cette incantation seul et demandera que le ‘Sogoré’ lui apparaisse afin de pactiser.

Ainsi, il arrive parfois que ces ‘Donzô’ apprivoisent et pactisent avec le ‘Sogoré’ pour fin de chasse. Le chasseur mettra l’huile essentielle sur les balles de son fusil et se fera aider par le ‘Sogoré’ qui usera de ses pouvoirs, pour diriger la balle tirée. Quand le gibier est localisé, que le fusil est chargé de balles huilées par la mixture extraite, aidé par le ‘Sogoré’, et que le ‘Donzô’ tire, le gibier n’a aucune chance d’y échapper. Quel que soit la distance à laquelle il se trouve, comme une balle traçante à tête chercheuse, elle ira se planter dans le gibier. Le tir touchera à chaque fois sa cible. Avec le fusil chargé du ‘Sogoré’, c’est du 100% de réussite à tous les coups.

Le ‘Sogoré’ est un génie qui peut aussi décider d’apparaître à un vieux ‘Donzô’ initié à l’art de la chasse, pour lui confier ou prêter ses pouvoirs et capacités de nuisances.
En effet, quand il décide de lui apparaître et qu’ils pactisent ensemble, le ‘Donzô’ devient aussi dangereux que le ‘Sogoré’. Dans le pacte d’alliance, le ‘Sogoré’ imposera au contractant de ne pas révéler les secrets, ni de leur rencontre, ni du pacte scellé.
Si le pactisé venait à transgresser ces interdits, il sera tué par le ‘Sogoré’. En contrepartie, le génie s’engagera à donner des secrets de chasse au ‘Donzô’
La possession de ces pouvoirs mettra également le ‘Donzô’ à l’abri d’actes maléfiques qui pourraient lui être dirigés par des ennemis.

Ces mêmes transmissions de pouvoirs se font à travers la patte avant gauche du ‘Timba’. Celle-ci reste toujours fermée même quand l’animal se déplace en marchant. Elle est celle qui renferme le secret de nuisance mortelle. Aussi bien pour l’animal qui, s’il a le malheur d’ouvrir le poing et regarder sa paume, il meurt immédiatement sur place.

Pour confier ses secrets au pactisé, c’est cette patte fermée de l’animal que le ‘Sogoré’ enveloppera dans un tissu ou des feuilles de plantes avant de la couper, un peu au-dessus du poignet, pour la remettre au pactisé afin de lui apprendre à s’en servir.
De cette patte maléfique tel un talisman, toutes les fois que son dépositaire voudra éliminer quelqu’un, il pourra s’en servir. Il peut nuire une personne même à des milliers de kilomètres sans bouger de place. Pour cela, il lui suffira de diriger la main de l’animal, paume ouverte, en direction de la personne visée, de prononcer son nom et celui de la partie du corps à atteindre. Par exemple, si c’est le mot tête qui est prononcé, le sort se portera sur la tête, et la personne visée ressentira une forte douleur à la tête avant de succomber le même jour. C’est aussi ce pouvoir qui est appelé en région mandingue de la Haute Guinée (plus spécifiquement dans la ville de Siguiri), le ´körötè ´, qui est très craint.

Par ailleurs, à son passage dans les airs, le ‘Sogoré’ laisse entendre un long sifflement. On dit que, quand vous entendez son sifflement lors de ce passage, vous devez retirer vos habits afin de les remettre à l’envers (coutures apparentes), ce qui vous protégera d’être vu par le ‘Sogoré’. Dans le cas contraire vous risquez votre vie. Cependant, très souvent son sifflement est confondu à celui d’un oiseau de nuit qui, lui, a un sifflement similaire mais plus court que celui du génie. La confusion entre les deux entités se fait également par le fait que, l’oiseau de nuit du nom de ‘Dowalwagui’ (un oiseaux de mauvais augures) en langue Toma de la forêt sacrée, de la Région Guinée Forestière, dont le passage est aussi, généralement, annonciateur du passage du ‘Sogoré’. Il est l’éclaireur qui montre le chemin que doit prendre le ‘Sogoré’.

La légende raconte aussi que le ‘Sogoré’ est celui qui circoncit les enfants (garçons) qui ont atteint l’âge de marcher. Dans ce cas, il choisit de circoncire ceux qui auront longue vie et ceux-ci ne se rendront même pas compte de l’acte, sans douleur, ni écoulement de sang. La cicatrisation est immédiate. Généralement quand il a choisi et désigné l’enfant à circoncire, c’est à l’insu des parents, notamment de la mère. Cette dernière ne s’en apercevra que lorsque l’acte a aura été effectué. Elle le constatera lors du bain ou de la toilette de l’enfant. L’événement une fois rapporté par la mère au père de l’enfant, celui-ci demandera à son épouse de se taire et de ne pas en parler. Il aura compris que c’est l’œuvre du ‘Sogoré’. Cependant, pour ces œuvres, le ´Sogoré’ peut pactiser avec une personne, d’une part , par choix direct de la personne par le ´Sogoré’, d’autres part, par incantation du génie par une personne qui souhaite posséder les pouvoirs de circoncision du ´Sogoré’. Une fois le pacte scellé, le contractant deviendra un homme initié auxdits pouvoirs mais avec une distinction de celles pratiquées par le ‘Sogoré’ lui-même. En effet, celles du ´Sogoré’ sont sans douleur, ni écoulement de sang. Mais celles du pactisé seront avec douleur et écoulement de sang. Néanmoins elles pourront être pratiquées à distance.

Il est de coutume que la pratique de cette circoncision par la personne initiée par le ´Sogoré’ se traduise par l’envoi du groupe d’enfants en âge de vivre ce passage initiatique, hors du village en lisière de forêt. Cette personne dotée du pouvoir de circoncire prendra un nombre de citrons équivalent au nombre d’enfants à circoncire. Il s’installera dans sa case pendant que les enfants resteront hors du village, sous la surveillance d’autres adultes. Avec son couteau, à chaque fois qu’il tranchera un citron, le prépuce d’un enfant tombera. Les adultes accompagnants seront en charge de faire les pansements avec des décoctions pâteuses de feuilles et des racines de plantes, pour favoriser la cicatrisation. À partir de l’instant où ces enfants sont circoncis, ils deviennent à part entière des hommes. Ceux qui auront atteint l’âge de l’être et qui ne le sont pas, seront généralement ‘rejetés’ par les autres et sont parfois eux-mêmes gênés de ne pas faire partie des personnes ayant passées cette étape d’initiation pour être reconnu comme appartenant à la communauté des circoncis, celle des ‘hommes complets’.
Encore aujourd’hui, le mot ‘Bilakoro’ (6) (celui qui n’est pas circoncis ) est  employé pour désigner ou stigmatiser celui qui n’a pas encore vécu l’étape initiatique de la circoncision. C’est aussi un mot qui a une connotation d’injure.

Par ailleurs, au décès du détenteur du pouvoir de circoncision, le ´Sogoré’ viendra pleurer la mort de son pactisé, toutes les nuits dans la localité de ce dernier, durant les 40 jours de deuil. Le ´Sogoré’ peut décider d’apparaître à un autre membre de la famille du défunt. Si celui-ci accepte le pacte, le ‘Sogoré’ restera propriété de ce dernier avec transmission des mêmes pouvoirs que ceux du défunt. En cas de refus du pacte en héritage, le ´Sogoré’ ira ailleurs.

Il est également important de rappeler que, dans la légende du ´Sogoré’, il est déconseillé aux gens qui ne sont pas initiés, prêts à voir et recevoir le ´Sogoré’, de lui faire appel, au risque de subir les affres du génie. En effet, quand c’est lui qui décide d’apparaître à la personne de son choix, il viendra sous une forme aux apparences amicales. Mais si c’est par incantation d’un demandeur à le rencontrer, il apparaîtra généralement sous une forme naturelle, c’est-à-dire, d’apparence diabolique et effrayante. D’où une préparation initiatique, un courage éprouvé, un désir réel, et non animé par une simple curiosité, de pactiser avec le génie.

Une fois apparu à l’incantateur, et qu’il veuille se dédier ou renoncer à sa volonté de pactiser avec le ´Sogoré’, c’est à ses risques et périls. Elle sera tuée par le ‘Sogoré’ ou il lui fera perdre définitivement la raison. C’est donc tout sauf un jeu car c’est au prix de la vie du demandeur, à défaut d’être frappé de folie !

Glossaire :
(1) ‘Sogoré’ est le nom du génie, en langue Soussou.
(2) ‘Sorô’ est son nom, en langue Malinké.
(3) ´Donzo’ est le nom donné aux chausseurs, en langue Malinké. Ils sont  également réputés être de grands féticheurs et sont plus nombreux en Région Haute Guinée. Ils sont craints par les profanes.
(4) ‘Timba ´, ´Taupe ‘ , en langue Malinké.
(5) ´Kinfè ´, ´Taupe ‘ , en langue Soussou.
(6) ‘Bilakoro’, mot pour désigner  celui qui n’est pas circoncis, en langue Malinké.

Nota : Récit recueilli par Stéphane Kaba, le 28/12/2021, auprès du doyen Koly Koïvogui, de l’ethnie Toma de la ville de Macenta, Guinée – né en 1941 (80 ans) – ancien combattant au grade d’adjudant-chef -.

Stéphane Kaba

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Last modified: 1 janvier 2022

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