Par Youssouf Sylla. La codification des valeurs éthiques et morales dans le secteur public est désormais assurée en Guinée par la loi L/2020/0026/AN du 19 décembre 2020 portant Code de conduite de l’Agent public. Promulguée par Décret D/2021/009/PRG/SGG du 6 janvier 2021, cette loi, dans son article premier, alinéa 4, entend par agent public « toute personne investie d’une fonction ou d’un mandat, législatif, exécutif, administratif, judiciaire, ou appartenant à une assemblée, rémunérée ou non et dont les activités concourent à la réalisation des services d’une administration publique, d’une entreprise publique ou de tout autre organisme dans lequel, l’État détient la totalité ou partie de son capital ou toute autre entreprise assurant un service public ».
La définition que la loi retient de l’agent public est débordante. Il s’agit d’une loi qui ratisse large et qui met dans son escarcelle, les députés, les juges, les fonctionnaires, les employés de tout le secteur public. Même les organismes privés, mais qui assurent une mission de service public n’échappent pas à la loi. Elle plante des valeurs éthiques universelles dans le cœur du secteur public guinéen. Les agents publics doivent, entre autres, s’éloigner de toute situation faite de conflits d’intérêts dans leurs actes de gestion. Ils doivent rendre compte, préserver les biens publics, ne pas s’en approprier, éviter d’abuser des pouvoirs qu’ils détiennent et s’octroyer des avantages indus en usant de son pouvoir d’influence.
L’adoption de cette loi, ambitieuse et innovante, est une chose. Sa mise en œuvre une autre chose. Pour relever ce second défi, il convient de mettre en place, conformément à l’article 42 de la loi, l’Observatoire du Code d’Éthique professionnel des Agents publics, en abrégé « OCEPAP ». L’État accuse en effet un important retard dans la mise en place de l’OCEPAP, qui aurait dû intervenir, six mois au plus tard, selon l’article 48 de la loi, après la promulgation de la loi en janvier 2021. Compte tenu de l’importance des problèmes éthiques qui se posent dans le secteur public (conflits d’intérêts, détournements de deniers publics, trafic d’influence, appropriation privée des meubles et immeubles de l’État), il est temps qu’un décret présidentiel intervienne maintenant pour mettre en place l’OCEPAP (composition, organisation et fonctionnement).
Même si la loi oblige les responsables des services à organiser des séances d’appropriation du code dès l’entrée en vigueur de la loi qui l’institue, il convient d’admettre que la même loi réserve à l’OCEPAP un rôle prépondérant dans la mise en œuvre du code. Il assure la diffusion du code dans les milieux professionnels et auprès du public. Il veille à la bonne application du code et publie un rapport annuel sur l’application du code. À ce titre, et plus concrètement, l’OCEPAP, pour bien s’acquitter de ses missions, doit mettre en place une politique de diffusion, de formation et de sanction des agents en cas de violation du code.
La diffusion suppose que toutes les structures publiques ayant des agents soumis au code disposent des copies du code. Que les affiches dans ces structures mettent en évidence les points saillants du code. La formation quant à elle, consiste à élaborer des modules de formation dédiés aux agents publics en activité et aux agents entrants. Pour atteindre ses objectifs en matière de formation, l’OCEPAP doit mettre à contribution l’École nationale d’administration (ENA) de Guinée pour élaborer un module de formation des formateurs des différentes structures publiques. Ces formateurs seront ainsi responsables de la formation des agents de leurs structures d’origine. En ce qui concerne les agents publics « décideurs », ceux qui sont les plus exposés aux éventuels cas de violation du code, un module adapté de formation devrait être conçu par l’ENA à leur attention.
Enfin, la constatation de la violation des dispositions du code devrait donner lieu à des sanctions. Chaque structure publique, selon les lois et règlements qui sont applicables, conduit, dans le strict respect des droits de défense, une procédure disciplinaire à l’égard d’un agent accusé de violation des dispositions du code. Cette procédure disciplinaire, dit le code, est tout à fait indépendante de toute autre procédure pénale entamée contre le même agent.
Au final, la prévention (diffusion du code, formation et sensibilisation des agents publics) et la sanction (mise en place de procédures disciplinaires à l’encontre des agents qui violent les dispositions du code) sont les deux armes fournies par la loi de 2021 pour l’implantation des valeurs éthiques et morales dans le secteur public guinéen. Par sa portée et son ambition, cette loi est en mesure de contribuer substantiellement au processus de réforme de l’État. Mais pour y arriver, les institutions prévues pour la mise en œuvre effective de la loi doivent être créées. Des moyens humains, financiers et matériels aussi doivent être dégagés pour lui donner vie.
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Last modified: 21 février 2022